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Interview de Luc Julia, co-créateur de Siri

Après plus de 30 années passées dans la Silicone Valley, le docteur Luc Julia nous questionne et nous éduque à travers les innovations en matière d’I.A et de Data.

Interview de Luc Julia, co-créateur de Siri

Après plus de 30 années passées dans la Silicone Valley, le docteur Luc Julia nous questionne et nous éduque à travers les innovations en matière d’I.A et de Data.

Surnommé le pape de l’intelligence artificielle, ce Franco-américain de 57 ans est devenu un acteur incontournable dans le milieu de la donnée. Co-fondateur de l'assistant vocal d'Apple Siri, puis Senior Vice President et directeur technique chez Samsung, il est aujourd’hui directeur scientifique en charge de projets spéciaux innovants du groupe Renault.  

À l’heure où les I.A génératives bousculent le monde et où les métiers de la data sont de plus en sollicités, nous avons souhaité échanger avec lui sur l’importance des générations futures à se former aux métiers de la data. 

Avant toute chose, bonne année. Et pour commencer, comment allez-vous ? Que retenez-vous de cette année 2022 ? 

2022 surtout dans la Silicone Valley, c'était riche ! Ça a commencé au mois de février/mars avec l’explosion des cryptos. Puis, progressivement, on a eu beaucoup de licenciements de la part des grandes entreprises, ce qui était plutôt bien, car ces personnes congédiées des grosses boîtes étaient désormais disponibles pour les petites boîtes - et donc une excellente nouvelle pour les start-up. 
Quant à ces 4 derniers mois, c’était la folie des I.A génératives. Comme Dalle-E, Stable Diffusion pour l’image, et puis évidemment Chat GPT pour le texte, donc c’était très intéressant. Les gens racontent tout et n’importe quoi à leur sujet, mais il est vrai que cela va poser énormément de problèmes, et 2023 sera un peu l’année “calm down” sur ces I.A génératives.

Vous venez d’intégrer le groupe Renault au poste de directeur scientifique chargé de projets spéciaux innovants. Concrètement ça veut dire quoi ? Quelles sont vos missions sur ce poste ? 

Haha, et bien, je ne sais pas encore ! En fait, le but du jeu, c’est d’expliquer, avec ma casquette de trentenaire dans la Silicone Valley, comment on peut changer un peu les choses. Pourquoi il y a une Tesla ? Pourquoi il y a un Lucid ? Et un Rivian ? Ces compagnies de voitures qui sont finalement en train de supplanter les centenaires. 

Alors pour comprendre cela, on explique qu’il y a des méthodes, des manières de voir la technologie qui sont différentes, et j’essaie donc d'amener cette vision qui nous permet, avec de petites équipes agiles, de faire des projets très concrets. On en fait plein, et on se trompe beaucoup, mais sur environ une cinquantaine de projets, on en a sorti deux qui se retrouvent aujourd’hui au salon de l’automobile par exemple. 

Quand on est dans l'innovation, est-ce que l'on cherche à disrupter les choses en permanence ?

Alors c’est un objectif dans le sens où, on ne veut pas faire pareil que les autres. L’innovation, c’est faire différent. Donc oui, on cherche à disrupter mais pas forcément la technologie, plutôt les équipes, les cerveaux, c'est ce qu'on essaye de faire. Un de mes “grands trucs” notamment, et que les RH ne comprennent souvent pas, c'est qu'il ne faut pas mettre des gens qui sont spécialisés dans un domaine dans la même pièce. Ils pensent tous la même chose. On met des gens différents ensemble et on les fait parler, c’est ça qui est incroyable. Donc l'innovation pour moi vient de ce multiculturalisme, de ce melting-pot de gens différents, qui font des trucs différents. En Californie, environ 20 % des ingénieurs sont américains. Ce qui veut dire que 80 % ne le sont pas et viennent de Chine, d’Inde, d'Europe… et c’est donc là qu’on constate l’intérêt du multiculturalisme.

 

Pour vous mettre dans le bain, on vous propose 3 minutes pour comprendre la data analyse !

 

 


 

Selon vous, quels sont les avantages à se former aujourd’hui aux métiers de la data ? 

Déjà comprendre ce que ça veut dire. Parce qu'on parle de big data, de machine learning, de deep learning et on comprend que ces outils ont besoin d'énormément de données. L'intelligence artificielle aujourd'hui se définit à travers ces Data, ce Deep Learning et ce Machine learning. C'est ça l'intelligence artificielle dite statistique. Qui dit statistique, dit data, et si on veut faire de l’intelligence artificielle aujourd’hui, il faut se former à la data. Il faut d’autant plus se former à la data car justement il y a de gros problèmes. Avec ces IA génératives (car il n’y en a pas qu’une), beaucoup de bêtises peuvent être faites. Il faut donc comprendre la data, et aujourd’hui trop peu de monde la comprend vraiment, voire la dénigre. Elle peut être dangereuse, biaisée, et le souci des ces IA génératives est qu’elles s’alimentent elles-mêmes de biais. 

ChatGPT, vous en pensez quoi ? 

Encore une fois techniquement parlant, c'est très intéressant. C’est tout de même 175 milliards de paramètres. C’est inimaginable, ça représente beaucoup trop de data, et d’un point de vue énergétique, c'est une aberration. Mais ça reste une performance technique d’avoir pu alimenter un modèle avec autant de données et qui soit capable de ressortir des éléments concrets depuis ce modèle. Cependant, il faut comprendre que ce n’est pas magique. On peut penser qu’il crée des choses alors que non, il ne fait que ressortir, d’une manière modifiée, ce qui a été apporté à la machine. La conversation, c'est donc nous qui la menons et non pas ChatGPT. La créativité de ces IA Génératives réside dans les prompts, c’est-à-dire les façons dont on va les interroger. C’est finalement l’utilisateur qui crée et l’outil qui exécute. C’est certes très impressionnant, mais ce n’est que le résultat de la créativité proposée par l’utilisateur. L’IA n’est qu’un outil. Mais elle va soulever d’énormes problèmes et notamment celui du copyright. Car si je demande à une IA de me dessiner la Tour Eiffel, et bien ce dessin aura été en partie pris à quelqu’un. Cependant, les utilisateurs appliquent eux-mêmes des copyrights sur les créations faîtes à partir de ces IA. Cela pose donc problème car j’appose des droits sur une création qui en dispose déjà. Il va donc y avoir beaucoup de problèmes de copyright sur la data, notamment sur les images, les vidéos et les musiques. Tant qu’on ne mettra pas de watermarking ou autre informations de copyright, cela risque d'être très compliqué. 

Les data sont de plus en plus présentes dans nos vies, et marquent souvent nos esprits lorsqu’on les utilise avec malveillance, notamment à travers le cas des médias synthétiques, plus connus sous le nom de deep fakes. Selon vous, comment peut-on penser la data de façon plus éthique ? Cela passe-t-il par l’enseignement ? 

Alors dans un premier temps ça passe par la compréhension. Et pour comprendre et adopter un comportement “éthique”, il faut passer par l’enseignement, s’éduquer sur la façon dont ses données sont utilisées, d’où elles viennent, pourquoi est-ce que je suis sûre de moi et de mon modèle ? etc

Une multitude de questions dont les réponses passent par l’éducation. Souvent, on est même face à des questions philosophiques, pour lesquelles il est complexe d’apporter des réponses, mais où l’enseignement nous aide beaucoup. 

 

En parlant d’IA, écoutons le co-créateur de Siri réagir aux IA des films…

 

 


 

 

Vous êtes particulièrement soucieux de l’avenir écologique de notre planète. En 2022, vous publiez : « On va droit dans le mur ? Pour sauver la planète, il faut un projet de société et une ambition de civilisation ». Dans l'esprit collectif, la tech équivaut à nuire à la planète. Est-ce possible d'être engagé pour des projets à impact  ?

C’est compliqué. C’est une balance à avoir. Puis, on ne s’en rend pas compte tout de suite. Dans les années 90, j’étais le premier à dire qu’il fallait utiliser le Cloud, que ça allait être super, et puis finalement aujourd’hui je me rends compte que c’est une aberration écologique, notamment du fait des data centers. On pourrait faire le cloud autrement, et pourtant on ne le fait pas, donc il faut faire attention. On peut utiliser la technologie à bon escient, on peut utiliser les IA pour optimiser, notamment sur le chauffage dans les maisons, etc, mais le danger, c’est d’utiliser la technologie pour la technologie. C’est souvent un problème d’ingénieur d’ailleurs. Les ingénieurs font des trucs pour faire des trucs, parce que c’est ludique. Mais de temps en temps, il faut se poser, et comprendre les problèmes que l’on tente de résoudre. 

Vous avez 219 objets connectés chez vous. Lors du CES 2023, on a pu découvrir de nombreuses innovations dans ce secteur comme une poussette électrique connectée et assistée par IA ou encore un scan connecté qui analyse votre urine au sein même de vos toilettes. Selon vous, d’où nous vient cette fascination pour les objets connectés ? 

Ça fait 30 ans que j’ai une maison connectée, et si j’en ai autant, c'est parce qu’ils me servent véritablement à quelque chose.  Je suis conscient de leur utilisation électrique, j’ai un cloud local qui me permet de contrôler ma sécurité et mon contrôle sur mes données. Ces objets, j’ai appris à les dompter, et eux à agir grâce à l’IA. Du coup, ils me font gagner beaucoup de temps. Notamment sur mes volets électroniques, où je gagne 23 minutes par jour. Imaginez sur l’ensemble de ces objets qui d’ailleurs s’interconnectent entre eux, je gagne des minutes précieuses. 

Mais une fois de plus, il faut s’éduquer sur ces objets, sur leur consommation, le cloud et les data qu’ils utilisent. 

En Europe, le RGPD a participé à cette éducation, mais ce n’est pas le cas dans le monde entier. 

Quel est l’objet connecté que vous préférez ? 

Mes volets électroniques, c'est sûr. Mais aussi ce que j’appelle “l'apéritif scène”, qui s’enclenche dès que je rentre chez moi. Je rentre dans mon garage, et là mes objets connectés déverrouillent la porte, désactivent l’alarme, allument les lumières que j'apprécie, allument la cheminée et ainsi de suite, afin que je puisse m'asseoir dans mon fauteuil et prendre mon apéro. C’est une sorte d’accueil qui m’est réservé quand je rentre chez moi. 

Votre premier coup de cœur tech, c'était quoi ? 

Je suis effectivement un peu spécial dans mon rapport avec la tech. J’ai grandi avec. Internet c'était mon biberon de chercheur, mais l’objet qui m’a vraiment fait comprendre la tech, c’est le robot que j’ai construit quand j’avais 9 ans, qui était mon robot pour faire mon lit. Pour moi, c'était un objet magique, même si étant donné que je l’avais construit, il l’était un peu moins. Sinon c’était vraiment le minitel, la connectivité et Internet. Tout ça m'a fait comprendre qu’on allait se retrouver dans un monde interconnecté avec la plus grande base de données du monde et ça, c'est un peu fou. 

De nombreux ingénieurs français sont, ou ont été comme vous, dans la Silicon Valley. Vous racontez dans votre dernier livre « Un Français dans la Silicon Valley » les petites et les grandes histoires de cette région souvent fantasmée. Que retenez-vous de toutes ces années dans la Valley ? 

Encore une fois, c'est ce —, cette entraide qui souligne cet héritage de la ruée vers l’or, de la conquête de l’ouest, où des gens dans la misère, qui viennent de partout, sont là pour s’entraider et trouver quelque chose. En 1849 c'étaient les pépites d’or, puis le silicone et aujourd’hui internet, les applications mobiles, les réseaux sociaux et demain les IA génératives. Il y a donc une ambiance impossible à reproduire ailleurs. Et puis dans la Valley, on change de boite tous les 2 à 4 ans, alors qu’en France par exemple, on peut avoir des personnes qui font des carrières de 30 années dans la même entreprise et ça parait normal. 

Selon vous, comment faire pour rendre la France plus attractive auprès de ces nouvelles populations qui se forment sur les métiers de la Tech et notamment de la Data ? 

Déjà, on a beaucoup progressé depuis une dizaine d'années grâce à la French Tech et aux actions de Fleur Pellerin dans les années 2012-2013. On a notamment retrouvé la notion de l’entrepreneuriat. Aujourd’hui, énormément de jeunes ingénieurs en sortie d’école ont envie de rejoindre les start-up, alors que de mon temps, personne n’y allait. Donc, on a bien évolué là-dessus. 

L’autre aspect, c’est notre bon niveau en mathématiques. Les élites que l’on forme aujourd’hui en France, sont toujours les meilleures du monde. On se positionne toujours parmi les premiers des médailles Fields et il se trouve que les métiers de la data ce sont des mathématiques. 

Les patrons de l’IA dans la Silicone Valley sont français dans l’ensemble et on dispose vraiment de gens talentueux en France. On n'a peut-être pas le marché, mais on a les talents !

Pour terminer, qu’est-ce qui vous passionne le plus dans le fait de travailler avec de la data ? 

C’est de tester de nouvelles choses, d’avoir pleins de champs d’actions possibles. Les IA sont basées sur la data, elles vont potentiellement amener à de meilleures choses pour les vrais gens, notamment dans la médecine et les transports. Ça peut faire le bien de l’humanité. On a découvert il y a 20 ans l’ADN, soit un champ statistique énorme, donc nous sommes nous-mêmes composés de data, et les IA vont permettre de mieux les comprendre. 

 

- Clara de la Wild Code School

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